La rivalité Ajax/Feyenoord
France Football | 07 mai 2002| N° 2926 | 1,90€
Evoquer le Feyenoord, c'est inévitablement
faire référence, à contrario, à l'Ajax et
poser le doigt là où ça fait mal, c'est à
dire sur une rivalité aussi tenace qu'ancienne. Rivalité
économique d'abord. Situé à 80 kms au sud-ouest
d'Amsterdam, Rotterdam (1 million d'habitants) souffre de son statut
de plus grand port du monde quand Amsterdam et toutes ses facettes attirent
l'essentiel des visiteurs, des touristes. C'est Amsterdam la bourgeoise
face à Feyenoord la prolo. Avec, hélas, parfois, d'autres
connotations : "Quand j'ai joué au Feyenoord, je me faisais
traiter de sale juif par certains supporters, parce que j'avais entamé
ma carrière à l'Ajax ", se souvient Johnny Rep. On
voit le topo.
Viscéralement, les habitants de Rotterdam se sont toujours sentis
snobés et laissés pour compte par la riche et photogénique
rivale. Alors bien sûr, pas étonnant qu'on retrouve ce
terrible clivage, on vient de le voir, dans le football. Oui, d'une
ville à l'autre, on se déteste cordialement. C'est "Lucky
Ajax" contre " flop feyenoord. Au-delà, on peut même
affirmer que la suprématie de l'Ajax et, surtout, son arrogance
ont agacé durablement l'ensemble des autres clubs bataves !
SUR LE TOIT DU MONDE
Feyenoord et Ajax ont, de toute façon, vite fait de faire parler
les statistiques en leur faveur. Pour oublier que l'Ajax a marqué
de son empreinte l'Europe du ballon rond durant les seventies, le supporter
des Rouges et Blancs (même couleurs que l'Ajax, mais pas les mêmes
rayures), vissé dans sa bière, se consolera en rappelant
que son club fut le premier a remporté la Coupe des Champions.
C'était à Milan, le 6 mai 1970, et le Feyenoord était
venu à bout du Celtic Glasgow après 117 minutes de jeu.
Mais les 25 000 supporters du plus populaires des clubs des Pays-bas
ne savaient pas qu'un an plus tard le règne européen de
l'Ajax commencerait. En attendant, Feyenoord était sur le toit
du monde, ainsi qu'Ernst Happel, son entraîneur, un architecte
de génie qui remportera en outre le titre de champion des Pays-bas
en 1971. Le plus grand entraîneur de l'histoire du club, assurément.
Mais, décidément, la rivalité entre les deux grands
étaient telle que l'équipe nationale pâtit longtemps
de ce terrible antagonisme. A l'époque, Rinus Michels, avant
la coupe du monde 1974, avait dû essayer de recoller les morceaux
entre les vedettes de l'Ajax, Cruyff en tête, et celles du Feyenoord,
représentées par l'emblématique Willy van Hanegem.
Antagonisme qui, techniquement, sautait aussi aux yeux. A l'académisme
étincelant de l'Ajax répondait une forme de rusticité
globale du Feyenoord, rendue néanmoins recevable par un engagement
de tous les instants et la patte technique de Van Hanegem et, plus tard,
de Janssen.
Très mal vécu aussi l'éventuel transfert d'un club
à l'autre. Mais il n'y en aura pas beaucoup ! Comme Figo passé
du Barça au Real, Wim Janssen passera du Feyenoord à l'Ajax
et connaîtra des arrivées en autocar musclées à
chaque derby.
Seul Johan Cruyff réussira ce tour de force. Non seulement il
finira sa carrière à Rotterdam, mais avant de quitter
l'Ajax pour le plus grand port du monde, il affirmera, péremptoire
: " Je compte bien remporter le titre avec le Feyenoord. "
Ce sera chose faite en 1984, avec une coupe en rab ! Mais les années
80 appartiendront pour l'essentiel au PSV. Ce n'est qu'en 1993 et 1999
que le club retrouvera un titre de champion. Aujourd'hui, s'il apparaît
toujours en bonne place en Championnat chaque saison, le Feyenoord est
loin d'être un cador européen. Depuis qu'il a été
reversé en UEFA après un médiocre parcours en Ligue
des champions, il a notoirement sorti le PSV puis l'Inter. Déjà
vainqueur de cette épreuve en 1974, une autre coupe lui permettrait
de la brandir sous le nez des supporters de l'Ajax